jeudi 28 février 2013

La brûlure










Pierre-Laurent Santelli clôt ce mois de février avec tendresse, annonce le dégel, les sacres printaniers et l’éternel retour des choses.

  
Il y aura quand même des aubes nouvelles, des entrelacs serrés de parfum et de soupirs, copier-coller de réveils mais en des lits aux draps à peine froissés par des corps exultant en silence, décor de clameur intérieure.
Des sourires.

Des je t’aime non dits se mêlant en volutes aux fragrances d’étreintes rances, fausses couches et actes manqués, en des matinées trop lumineuses pour être vraies et des petits déjeuners tristes souillés de pathétiques rires en cascades.
De la sueur.

D’euphoriques rencontres prometteuses de lendemains affamés, enchevêtrées à de pestilentiels je suis bien avec toi, tu le sais, mais je préfère qu’on reste amis reçus comme des vomissures et des crachats.
Des illusions.

Des surprises programmées et des étouffantes bouffées de déjà-vu se fondant dans des moules de vies idéales, de récurrentes fausses aventures trop lisses en vraies blondes aux lèvres surlignées, de désirs assumés en frustrations inassouvies.
Et des déceptions.

Des souffles rauques et des effluves de souvenirs entrelacés en de blêmes matins laiteux se levant sur une nuit blanchâtre, zébrée de noirs instants de sommeil agité par des rêves d’ailleurs, hier trop long à devenir demain.
Des plaies.

Des frissons faisant tressaillir une peau d’écorché vif et des miasmes de fades ruptures tressés avec des moments d’oubli passager dans des chambres-refuges, alcôve abritant de pitoyables amants faisant semblant de croire à cet ersatz de passion.
Des blessures.

De muettes souffrances et des émanations d’émoi passager enchevêtrées dans de ridicules corps à corps, indécents moments de bonheur aux relents surannés de ce qui fut pourtant un futur espéré et qui resta à quai.
Et des cris.

Des spasmes parcourant des âmes arides usées jusqu’à la corde résonnant en échos lointains de joies qui n’ont jamais existé et qui s’entêtent à être rêvées, odeurs fétides de je suis allé chercher des croissants, tu as bien dormi chérie ?
Et des larmes.

De brefs plaisirs violents glanés çà et là et des arômes exaltés de cyprine répandue et de baisers salés imbriqués dans des sex only martelés à outrance, claironnés trop fort, trop souvent pour qui refuse de les entendre.
Et des supplications.

Des sanglots convenus et des exhalaisons d’insipides disputes feintes pour habiter des nuits à la tiédeur blessante, pour se donner l’impression de souffrir et d’être encore vivant, et, juste après, de honteuses jouissances.
Des douleurs.

Il n’y aura plus de preuves d’amour mais seulement des je t’aime susurrés gauchement et des arômes frelatés d’avenir moribond entrecroisés, des heures, des jours et des nuits s’égrenant au sablier du manque de toi.
La brûlure.

Des sourires, de la sueur, des illusions et des déceptions, des plaies, des blessures, et des cris et des larmes et des supplications, des douleurs, mais à jamais l’odeur âcre et enivrante de la brûlure de tes caresses sur ma peau et de tes mots. 

Pierre-Laurent Santelli

Illustration : Fresque dite "du printemps", Site d'Akrotiri, île de Santorin.


mardi 26 février 2013

La vie est un anti-roman




Cécile Trojani nous guide parmi les délices d'un espace pour fous avec cette seconde contribution à la praxis commune. Histoire de Samia. 




 Suis droguée depuis toujours. Ne me demandez pas comment je le sais. C’est comme ça.
Peu importe l’objet, son usage me le rend toxique. Suis droguée.
Ça n’a rien d’un hasard si je suis là, coincée entre ces murs. Suis droguée de toute éternité. Fabriquée comme ça. Ça explique bien des choses – l’écriture entre autres, puis l’amour. Bien des malheurs et bien des vices.
Suis venue ici en cure de sevrage, même si je l’ignore encore, pour me mettre à l’abri, pour déposer ma dépendance comme une pierre trop lourde à laquelle suis pendue par le cou.
Oh… suis pas seule ! Tous des toxicomanes dans les rangs de St Blaise. Pas un qui échappe à la règle.
Alors quand tu finis cobaye, faut pas faire l’étonné. Quand on t’injecte des tas de trucs par la bouche, par les veines et par toutes sortes d’orifices, faut pas prendre ton air guindé. C’est juste que la boucle est bouclée…La clinique t’a rendu à ta vraie nature. Et puis l’air guindé, on l’a tous égaré au passage, liquidé dans les couloirs… sous les foutus néons de leurs radeaux amers.
Ah, on peut dire que j’ai fraternisé avec toute la mélasse du pavillon Nord. Je les ai traînées mes basques au rayon des boiteux. J’en ai tiré une gueule de pauvre hère sur des hectares de lino. J’ai même frôlé l’aile Sud.

Et oui, dans les couloirs ça fraye un peu, manière de délayer notre misère à tous. Des paquets se font, se défont. Les ombres se dévoilent au fil de l’aventure.
Parmi ces ombres il y a Samia, Princesse au Pays des Cafards. Samia a bien failli mourir sous nos yeux et dans la chambre contiguë à la mienne. Un beau matin, Sandrine l’a retrouvée qui pissait le sang par les poignets et déjà bien partie. Branle-bas de combat dans le service. Tout le monde est en panique. Les rumeurs s’affolent comme des papillons dès que les brancardiers ont évacué le corps. Sa chambre est un capharnaüm, comme si on l’avait mise à sac. Il paraît que l’odeur est intenable. Samia n’en sortait plus depuis des jours et l’insistance des aides-soignantes n’y faisait rien. C’est avec une pince à épiler qu’elle se serait mise dans cet état. Elle la gardait sur elle malgré les fouilles quotidiennes.
Les accessoires de la beauté et leur détournement... ça me laisse songeuse cet acharnement dans l’autodestruction. Faut voir où la sagacité se loge ! Tout est bon dans le grand hall des désespérés, tout est requis pour se foutre en l’air, même la panoplie de Barbie.

Samia revient quelques jours après, tellement shootée qu’on la reconnait à peine. Elle n’était pas bien vive avant, mais là… un vrai zombie… Elle garde la chambre plus d’une semaine, le temps de pouvoir se hisser en station verticale, puis elle partage son premier repas avec nous depuis « la grosse bêtise » - c’est comme ça qu’on désigne sa TS à la clinique. Elle s’affale en face de moi et plante ses yeux dans les miens toute la durée des libations, ses yeux de miel insupportable. Je sais pas ce qu’elle me veut mais ça devient très vite flippant. Je ne sais même pas si elle me voit du fond de cette mort qui ne l’a pas prise. Par contre elle me regarde. Elle me regarde loin et si profond qu’elle me pénètre et je me sens tellement coincée dans son regard de lave noyée par les médocs que je suis à deux doigts de tourner de l’œil. Dans le sien loge une détresse qui n’a plus de nom. J’y vois toute ma vie défiler et toutes les maladies, tous les chagrins et les révoltes, l’hébétude, la rancœur. Je veux bien mourir à mon tour, mourir dans ce regard posé sur moi et qui m’absorbe tout entière, famélique comme celui des enfants. Le regard de Samia, je vous défie de le soutenir en vrai, dans ce putain de réfectoire sous les néons. D’ailleurs je prends la fuite. Impossible de manger au-dessous du volcan.

Samia va mieux pourtant au fil des semaines et j’apprends son histoire. Pas par elle, parce qu’elle ne parle plus. C’est la mort de son mari qui a tout déclenché. Ça fait trois ans qu’elle tente de le suivre et chaque fois, quelqu’un la repêche. Ses filles - elle en a trois -, les docteurs, la clinique, les cures de sommeil, les cachets. Mais elle, elle ne veut plus. Elle n’y arrive pas. Trois ans qu’elle est muette, qu’elle ne dit plus un mot, même à ses filles qui viennent la voir et qui sont là, si belles qu’on ne comprend pas comment Samia peut être leur maman. Défigurée. Alors ça devait être elles, les cris et les coups étouffés derrière la cloison… Venues lui extorquer un peu d’amour… mais son amour tari avec le verbe… son amour envolé avec l’époux. Plus d’amour en réserve et la présence des filles intolérable. Alors Samia s’est mise à cogner et les orphelines quittent la chambre dans des scénarios catastrophe et jurant de ne plus revenir, de la laisser tomber, puis revenant, puis à nouveau abandonnées. Samia n’a plus de larmes mais elle ne veut plus que pleurer, pleurer sur son deuil impossible, emmurée dans sa case comme une icône mal fichue.

Samia essaie juste de mourir d’amour et on voudrait l’en empêcher. J’entends les rumeurs gonfler les couloirs – Abandonner ses propres filles ! Ici aussi on a besoin de sécurité.
C’est vrai qu’elles sont jeunes, mais suis occupée à autre chose qu’à les plaindre. Samia commence sérieusement à me fasciner. Il faut dire qu’elle m’a choisie. Je suis la cible permanente de son regard et c’est mon plus grand fantasme qu’elle s’emploie à réaliser. Dans les faits, c’est pas très beau à voir. Pas éthéré comme dans les romans. Ça pue la sueur et la charogne. Samia a déserté la douche et les odeurs corporelles envahissent le seuil. On tente de la bouger. Fred y va même un peu fort avec Sandrine. Un matin, ils s’y mettent à deux pour la porter dans le bac, savonnée comme un bébé. Apparemment elle se laisse faire. En tous cas, moi je n’entends rien de l’autre côté de la cloison.
Samia me devient familière à sa façon, et je finis par déchiffrer sa version de mon fantasme, ses écritures runiques finissent par me parler.
Moi, j’ai presque réussi une fois. C’était si violent que j’en garde encore le goût sur la langue, comme la brûlure d’une arme à feu. Un shoot inoubliable.
Alors forcément, ici c’est moins noble. C’est comme avoir vécu les Hauts de Hurle-Vent pour atterrir dans un ciné miteux qui passe en boucle un documentaire sur la mort des rats à Venise.
Pourtant je me mets à l’admirer. J’observe Samia à la moindre occasion. Je la regarde quand elle n’a pas ses phares braqués sur moi. Sinon c’est trop, je n’y vois rien. Je la regarde agoniser péniblement de l’horreur d’aimer. Je me dis que je suis dans sa case. Et puis je la trouve assez immense, sa case, pour y loger l’humanité.
En attendant, on ne peut plus l’atteindre, Samia sale et tremblante, dégoulinante des restes du repas parce qu’elle s’est remise à manger et mâche la bouche ouverte, des saletés plein son pull. Je me plante dans ses yeux - j’y arrive maintenant ! - avec la certitude qu’on est d’affreux rampants aux pieds d’une Princesse dont personne n’écrira l’histoire.

Samia sortira avant moi. On ne meurt pas d’amour. La vie est un anti-roman. 

Cécile Trojani

Illustration: Jérôme Bosch, Le jardin des délices (détail).

jeudi 21 février 2013

Ciel blanc



 Olivier Ancey nous parle d'un adieu au monde, une traduction de Bernadette Micheli. 



 C’est un ciel blanc, une toile immaculée où la lumière peint les souvenirs vaporeux de l’enfance. Un écran blême où la vie défile tremblante comme un vieux super-huit. Je m’y vois courir, jouer et rire. Avec toi Pierre-Jean. Comment savoir combien la vie est perfide quand on a dix ans et toute son innocence? Comment savoir que ce foutu cancer allait te ronger six ans plus tard et t’éteindre en un souffle ? Le cœur rit et les yeux pleurent. Je pense aux courses folles de nos parties de foot, à nos éclats de rires qui retentissent en moi pendant que tressautent sur l’écran les images d’un bonheur révolu.

Sur la feuille blanche se mêlent des odeurs de gomme, de colle et d’encre. Je n’entends plus le maître depuis longtemps. Sa voix résonne mais ses mots sont ceux d’une langue qui m’est étrangère. J’essaie en vain de regarder à travers la vitre. Je veux profiter de la douceur de l’air que le printemps embaume, de l’horizon serein et sans limite, du fracas de ces torrents d’écume qui se brisent sur la jetée. Alors je ferme les yeux et la lumière se fait plus douce.

Des montagnes blanches, des flocons glacés qui caressent mon visage. La neige fraîche et légère feutre le bruit de mes pas. Le vide m’attire et mon esprit fond sur le manteau virginal. Autour de moi le monde s’embrume englouti par l’abîme du temps. Des jeux de cour d’école aux premiers baisers échangés en cachette, les années passent insouciantes et me voilà un homme.

Deux rails de poudre blanche comme une invitation au voyage. Ce soir nous fêtons un enterrement, le mien, celui d’une vie de garçon avant les noces. Mes amis ont insisté, je leur ai fait plaisir, et je suis là devant ces lignes infernales qui m’attendent entre bouteilles vides et mégots froids. Je n’ai jamais voulu tenter, mais si ce n’est pas ce soir quand vais-je le faire ? Le venin enflamme mes narines, des éclairs me transpercent comme autant de coups de poignard.

Une robe blanche scintille suspendue au-dessus du berceau. Tu t’offres à moi dans la chaleur d’une étreinte et tu me souris. Je tremble de passion et me perds dans ton regard. Je sens la vie bouillonner dans mes veines. Je t’aime tellement. La musique et les rires m’arrachent de tes bras et le rêve s’évanouit. Je veux m’allonger près de toi, poser ma tête sur ton ventre où l’avenir qui grandit donne ses premiers coups. Mes amis dansent comme des fous sur la piste. Je me lève, sors et monte en voiture.

Suivre la ligne blanche agrippé au volant et me laisser guider. Les vitres sont ouvertes, l’air frais s’engouffre et fouette mon visage. Battements de cœur, de moteur et musique s’emmêlent ; dans ma tête résonne chaque bruit. Les aiguilles du compteur dansent. La route défile dans la lumière blanche des phares. La nuit se fait linceul. 

Ce sont les rayons blancs d’un soleil radieux, une douce clarté, un baume céleste qui apaise peur et souffrance. Dans la violence qui m’enfante, dans cette renaissance brutale, il me semble entendre des bruits de voix et de pas. J’ouvre des yeux encore troubles sur une blouse blanche. Elle me parle mais je ne la comprends pas. Je voudrais tourner la tête, l’apercevoir, mais je ne peux pas. Je voudrais lui parler mais j’en suis incapable, la retenir, mais je ne sens plus mes membres. Je ne sens même plus les larmes couler sur mes joues.


C’est un ciel blanc au crépi fissuré, un pâle miroir que la mémoire habille d’images diaphanes. Une prison de plâtre où le temps infirme ne s’écoule plus. Mon regard s’y perd et les heures s’y figent. Libérez-moi de cette peau morte. Donnez-moi la paix, le silence et la nuit. Que cessent ces cris, ces pleurs et ces voix que je ne veux plus entendre. Mettez fin à ce tourment car si le corps ne sent plus rien l’âme est meurtrie et le cœur exsangue. Maintenant débranchez-moi.

Olivier Ancey

(Traduction : Bernadette Micheli)

Illustration : Sans titre, Alex Vetri. 

mardi 19 février 2013

Celu biancu




 Imaghjini, culori è rimori chì invadani l'anima d'un omu in partanza, è a prosa di Olivier Ancey chì l'accumpagna. A traduzzioni da vene da Bernadette Micheli. 


 Hè  un celu biancu, una tela immaculata induve a luce stampa à pinnillate torbe e fiure zitilline. Un  biancu screnu  induve  a mimoria  sbucina a vita  chì  sfila trinnichendu  cum’è  un  vechju  super 8.  Mi ci vecu  corre, ride è ghjucà. Ci sè ancu tù o Petru Ghjuvà. Cumu sapè quant’ella pò esse ladra a vita quand’omu hà sempre a niscintria di i so dece anni ? Cumu sapè  ch’ellu t’avissi da rode issu cancaracciu sei anni dopu, amattenduti cum’è  una  candela in qualchì  mese ? U core ride è piegnenu l’ochji. Pensu à e corse  sfrinate di  e nostre partite di ballò è ribombanu in la mio mente tante scaccanate mentre saltilleghjanu annant’à u screnu e fiure  di issu benestà passatu.

Annant’à u fogliu biancu,  si mischianu l’adori d’inchjostru, d’incolla è di sguassaghjola. U maestru  hè  un pezzu chì ùn  lu sentu più.  A  so  voce  risona ma  e so parolle ùn anu più sensu, quant’è ch’ellu parlessi un’antra lingua  cà  a meia. Provu à guardà  fora à  traversu u  vetru  ma  ùn possu.  Vogliu gode a dulcezza  di l’aria chì viranu  imbalsama, a pace di un orizonte senza cunfine  è u frombu di isse  cavallate di sciuma chì si  sfragilleghjanu nant’à u molu. Allora  chjolgu l’ochji è a luce si  face più dolce.

Sò muntagne bianche. I fiocculi cutrati  mi  carezzanu a faccia. A neve fresca è  lebbia ingutuppa u struscime di i mio passi. Guardu issu biotu chì m’abbaglianeghja  è  si lampa  pricipitatu u mio  spirdu annant’à u vergine mantu di l’inguernu. Intornu à mè s’annebbia u mondu, ingullitu da l’abissu di l’ore. Da  i ghjochi  di corte di scola  à  i primi basgi barattati  à l’appiattu, l’anni passanu spinserati ed eccumi divintatu un omu.

Duie raglie di pulvaretta bianca, cum’è un invitu à u viaghju. Stasera fistighjemu  un intarru, u meiu,  quellu di l’omu  chì s’hà  da marità è chì  lascia  daretu  à  ellu a so vita di nanzu. I mio amichi anu pricuratu è  mi sò lasciatu  scunvince.  M’aspettanu l’infernale riche trà e buttiglie biote è u cinnaraghju pienu à mocculi ghjalati. A sanu bè chì ùn aghju mai vulsutu pruvà ma s’e un la facciu oghje ùn la  faraghju mai più. U vilenu m’infiara e nare. Una lusina  bianca mi matraversa à stilittate. 

U vistitu biancu risplende appesu sopr’à u littinu. In lu calore  di un’abbracciata mi surridi offerta, di passione tremu è mi perdu in lu to sguardu. Sentu  bolle a  vita in lu più prufondu  di e mio vene. Ti  tengu  tantu caru. A musica è e rise mi travenu di e to bracce è  u sonniu  svanisce. Mi  vogliu strallà accantu à  tè, ripone u capu annant’à u  to corpu è  sente i calci  di l’avvene chì cresce in la to carne. I mio amichi ballanu cum’è  dannati annant’à a pista. M’arrizzu, sortu fora è mi ficcu in vittura.

Siguità a linea bianca, azzingammi à u chjerchju è lasciammi  guidà.  I vetri sò aparti è sentu e staffilate di l’aria fresca. M’introna u mio batticore, mi trapananu e martillate di a musica  è  u frombu di u  mutore.  Ballanu cun  franasia e sfiere rosse  di u  cuntore. Sfila a strada in le strisce bianche di i lumi ; a notte pagna m’hè  linzolu.

Sò i ragi bianchi di un sole  radiosu, una luce intensa ma chì ùn  acceca, u sullevu prufondu di un balsamu cilestu chì appacia ogni  dulore. Guardu issa luce è  si strughje a paura. In lu fracassu di u partu viulente chì mi face  rinasce mi pare di sente rimori di passa è veni è  voce chì risonanu. Apru  l’ochji è vecu a so pilusa bianca esce pianu pianu da u turbidume. Mi parla ma ùn  capiscu tutte e so parolle. Vularia girà appena u capu per vedela di coda d’ochju ma ùn possu. A vularia parlà ma sò incapace di pruduce  minimu sonu.  A vularia ritene ma ùn sentu più e mo vembre. Ùn sentu  mancu più corre e lacrime annant’à e mio facce. 

Hè un celu biancu di scialbu cripacciulatu, un palidu spechju chì a mimoria veste à fiure  tralucente. Una cabbia di ghjessu  induve u tempu infermu ùn si sgrana più. Ci ghjace u mio  sguardu  è l’ore si ci impetranu. Liberatemi di sta pelle morta. Datemi a pace, u silenziu è l’uscurità. Fate ch’e ùn senti più isse voce, ch’elli cessinu issi stridi è ch’elli si tacinu issi pienti. Mittite fine  à  stu turmentu, chì sì a  pelle  ùn  sente più nulla, l’anima hè straziata è u core dissanguineghja. Avà sbrancatemi. 

Olivier Ancey

Illustration : Neve, Petra Alta