Nights in white satin, never reaching the end,
Letters I've written, never meaning to send.
Moody blues
Je
croyais qu’il n’y aurait plus que des faux-semblants, épris de ma liberté
retrouvée, pétri de mes certitudes inébranlables, foulant indifférent le sol
jonché de mes débris épars, insouciant des possibles inaccessibles.
Je
savais que plus jamais on ne toucherait mon cœur, protégé dans sa gangue de
pierre, bardé de ses cicatrices chéloïdes qui petit à petit en ont fait un
tissu insensible, dont l’innervation à jamais n’offrirait plus qu’une douleur
fantôme.
Loup
je m’étais fait pour affronter serein les rencontres fortuites, les belles âmes
enrubannées et les sourires enjôleurs.
Voyou,
voleur, hâbleur, roublard en toute chose, étreignant impassible des corps
offerts à mes caresses.
Désireux
de réduire le souffle qui soulève ma poitrine à l’oxygénation de mes muscles
qui portent les coups de butoir lors des ébats boulimiques que je m’octroierais
à l’envie.
Les
parfums, les couleurs, les lumières et les rires, pour moi seul, pas de
partage, pas d’euphories à deux, plus de complicité prometteuse, plus d’émois
indécents, plus d’exposition aux pitoyables élans d’un cœur vers cet autre
toujours autre que ce que l’on a cru. Plus de frisson. Plus de dédain non plus,
juste l’indifférence.
Pourquoi
ai-je baissé la garde ? Comment t’es-tu glissée jusqu’au dernier neurone encore
sensible, le seul où subsistait l’influx saltatoire suffisant pour atteindre le
potentiel d’action qui ferait repartir l’organe vital en mort clinique avérée ?
Où
est passé ce goût amer qui m’éloignait de ces nourritures absurdes finissant
toujours en haut-le-cœur à faire vomir tous ces je t’aime ? Des je t’aime
mensonges qui révulsent lorsque l’on a sous les yeux les preuves de la
forfaiture.
Pourtant,
de ces débris de mots souillés, de ces pathétiques entrelacs blanchâtres, de
ces nuits sans sommeil à me maudire de ma crédulité, le souvenir déjà s’efface.
Les
parfums, les clameurs, les souffles et les lumières frémissent sur ma peau, et
ces frissons à nouveau exhalent l’impossible outrance des sentiments qui
s’éveillent.
Tes
bas de soie ne sont pourtant pas différents des autres, tes lèvres prometteuses
ne me promettent rien. Tes cheveux que j’empoigne lorsque je te chevauche
n’égalent pas les crinières rousses des juments que j’ai déjà sélectionnées
pour assouvir les désirs que mon corps m’impose.
Mais
nos corps-à-corps effrénés ont remplacé ces corps-à-corps ridicules. Nos
effluves musquées ont remplacé l’odeur fétide des cadavres de fausse passion.
La suédine de la robe légère que tu portes effleure ma peau et me fait fondre.
Les
formules éculées des imbéciles heureux hébétés et béats s’imposent à mon
esprit. Les mots ne forment que fadaises ou maladresses confinant au burlesque
dont mon peu de lucidité n’arrive même plus à s’affliger.
Me
voici à nouveau à rêver d’une tanière où je pourrais te ravir, t’emprisonner,
te prendre, offrir mon sexe turgescent à ta langue gourmande et me soumettre à
tes mains sans peur de succomber à tes caresses voluptueuses.
Ta
peau contre la mienne fait un courant, exaltant le moindre de mes pores.
Ta
chatte m’hypnotise, m’envoute, m’ensorcelle.
Ton
cul de pleine lune annihile mes craintes, tes mots déposent un baume sur les
maux qui me rongent.
Ce
fatras de mots tant entendus est-il mien ? Dans un dernier instant de
clairvoyance l’hémisphère gauche de mon cerveau, analytique et froid, crie
encore à l’ineptie. Hélas mon corps calleux renonce, rompant peu à peu tout
influx entre logique et émotion en une dichotomie bêtifiante.
Qui
puis-je ? Mes soubresauts, mes ruades sont vaines, ma carapace se lézarde et tu
t’insinues toute entière.
Des
arômes puissants enivrent mon esprit en proie à ces luttes inutiles dont je
ressors déjà irrémédiablement vaincu.
Les
barrières érigées, déposées en couches successives tourbillonnent en fragments
autour de nos chairs qui se tressent dans l’œil du cyclone qui m’emporte.
Il
ne me reste plus qu’à cesser toute résistance et m’abandonner.
Désormais
j’y aspire, je l’accepte, je le veux. Je ne suis plus que ce vertige.
Je
vis.
Chantal Baldacci